Comme toujours, je repense à ma dernière chronique avant de vous en proposer une autre. Il se trouve qu’une amie me disait l’autre jour qu’il fallait être engagés, affirmatifs dans nos propos.
Nous avons un projet en cours autour de la dégustation et de l’écriture. Je vous en dirai davantage dans les mois à venir. Simplement, je me disais qu’en vous parlant de perplexité la dernière fois, l’heure n’était pas forcément aux certitudes. Mais, maintenant, vous me connaissez un peu et vous vous êtes sans doute familiarisés avec mes renversements. Rappelez-vous, après la cigale, la fourmi ou bien, la force de la Bourgogne c’est la finesse. Alors, vous deviez bien vous douter que derrière mes perplexités se cachaient quelques certitudes. Je pense même qu’il peut s’agir d’une figure de style comme d’une philosophie de l’existence. Tenez, par exemple, il y a quelques semaines, j’ai été invité à une dégustation de vins de Bourgogne et de chocolats. Voilà bien qui peut en rendre perplexes plus d’un et sans doute avec raison…dans certains cas. Le pire est que je n’ai été déçu par aucun chocolat, certains amélioraient même considérablement le vin ! Et cependant, j’ai trouvé que le Beaune 1er Cru rouge Champs Pimont 2006 du domaine Jacques Prieur était d’un accord d’une grande fraîcheur avec une ganache à la fève de tonka du chocolatier Dufoux de la Clayette, et je n’étais pas le seul à le penser. Il n’est pas forcément passif de se laisser aller à la découverte. La difficulté réside peut-être dans l’espace qui nous permet une ouverture tout en gardant notre intégrité. Je pense en particulier à tout ce qui fait que nous pouvons nous en remettre à d’autres, à leurs choix, et à les suivre en confiance tout en n’étant pas obligé d’adhérer à ce qui peut devenir un effet de mode. Je pense aussi au repas dont je parlais la dernière fois et, bien qu’étant ouvert à la découverte d’un style nouveau qui a déjà ses adeptes, ni mon esprit, ni mon corps ne l’ont accepté. Cependant, je veux bien accepter que l’on vive cela différemment, mais j’aimerais être sûr de l’authenticité de ce sentiment. L’audace est sans doute du côté de la certitude mais il faut aussi savoir affirmer que l’on puisse être ouvert à la fermeture.
A vous parler de chocolat, j’ai envie de vous raconter mon week end en Suisse qui est aussi un pays de vignobles. Il y a des années que je rêvais de rendre visite à Marie Thérèse Chappaz, surtout depuis que j’ai assisté à cet exceptionnel moment de théâtre à l’occasion du colloque sur le mangeur du XXI ième siècle qui s’est tenu à Dijon en novembre 2002. En effet, la Petite Arvine de Marie Thérèse Chappaz avait inspiré à Jean-Marc Roulot, vigneron réservé à Meursault mais auteur et acteur très expressif, un texte fort émouvant. J’en profite d’ailleurs pour lui adresser un message et lui dire que je me sens trop privé de ses vins et de ses textes. Je pense qu’il a cet art précieux de mettre en mots les émotions que peut susciter le vin, et qu’il devrait le partager plus souvent pour, selon l’adage de son village, ne pas laisser son public risquer de vivre et de mourir sot !
Il faut rencontrer Marie Thérèse Chappaz pour savoir ce que l’authenticité veut dire et mesurer que le vin n’est pas que le fruit de la terre et du travail des hommes ; il peut être celui des femmes aussi. Cette femme est complètement mariée avec son terroir et le plaisir qu’elle donne avec ses vins ne cède rien ni à la facilité ni à la séduction. J’ai d’ailleurs été frappé à la lecture de ce trait d’humour affiché sur le mur de sa salle de dégustation : « les femmes qui veulent être l’égal des hommes manquent terriblement d’ambition ».
Peut-être faut-il y voir malice mais il paraît que son nom signifie « sais pas ». Voilà une chute inespérée pour mon propos.
Enfin, vous l’aurez compris, en ce lendemain de fête nationale, je ne saurais rester neutre.
Martial Jacquey
Passionné de vin
Le 15 juillet 2008