Aujourd’hui, je vais essayer de suivre le fil de mes derniers propos tout en vous tenant une vieille promesse, en vous invitant à lire ailleurs et même à aller voir ailleurs, parce qu’il n’y a pas qu’à lire. Il s’agit d’un livre qui se termine après 4 ans de travaux (j’emploie ce mot dans un trait d’humour car je ne l’aime pas beaucoup dans son étymologie de torture), de rencontres, d’échanges et bien sûr, quand même, puisque j’y ai participé, de dégustations ! Tout cela, à trois : une photographe, Marielys Lorthios, qui a eu l’idée de nous réunir, un cuisinier, Hubert Anceau, poète et philosophe et votre serviteur, déboucheur de bouteilles.
La première rencontre, pour moi, des deux autres, m’a fait me retrouver dans mes souvenirs et même, mes origines…dans le vin et pas rien que dans le vin…
J’ai pensé à un texte de Freud : « l’unheimlisch », cela a été traduit par « l’inquiétante étrangeté » mais littéralement on peut entendre ce qui n’est pas familier au sens de l’inconscient freudien, c’est-à-dire que ça n’est pas parce que ça n’est pas conscient que ça ne fait pas partie de nous (c’est le passage un peu difficile mais ça ira mieux après).
Donc, je me suis retrouvé avec deux autres qui n’étaient pas moi-même et j’ai eu cette idée de l’étrangeté qui pouvait être inquiétante et qu’il ne s’agissait pas d’en rester là.
C’est comme ça que sont venus ce que j’ai appelé les Bourgognes insolites, ceux qui sont un peu étranges voire étrangers, mais qui font pourtant bien partie de notre région favorite. J’avais bien des repères solides avec le cépage sauvignon à Saint-Bris le Vineux ou les Mâcon liquoreux de Jean Thévenet mais l’aventure dans cette Bourgogne mystérieuse n’a pas manqué de suspens. L’aventure a été multiple, la recherche des vins pour leur différence, leur originalité. Des vins à faire connaître ou à faire reconnaître à la hauteur de leur rang et du plaisir qu’ils nous donnent. Mais je vous ai parlé d’une aventure à trois, il y a eu nos échanges, des associations libres de mots qui nous passaient par la tête, sans divan mais le verre à la main ! Et de ces mots dits à chaque séance de dégustation sont venues les créations gourmandes. Il y en a 24, comme les 24 vins dégustés, deux fois douze comme les œufs ou la caisse à moins que ce ne soient les apôtres si on pense aux mystères de la dernière fois. Mais ça ne s’arrête pas là, je vous ai dit que c’était un livre dans lequel il n’y avait pas qu’à lire : il y a aussi à voir et c’est d’ailleurs ce qui saute aux yeux quand on l’ouvre : les sublimes photos des bouteilles et des gourmandises ! Je dis « sublime » et ça devrait suffire, car il s’agit bien de sublimation, mais j’ajouterai aussi qu’il s’agit d’images lumineuses, éclatantes, plus vraies que vraies.
Pour l’instant, vous ne les voyez pas et avant de vous envoyer chez « terre en vues », éditeur, je vais quand même vous en dire un peu plus sur les mystères de la Bourgogne. Juste quelques mots pour vous donner une petite idée : le pinot beurot de la Côte Saint-Jacques, le césar à Irancy, une fleur de sel sur un Beaune blanc, un rosé qui monte la garde, le vin des moines, un goût de muscat, un aligoté qui n’a pas besoin de cassis, la création d’un terroir, un rêve où le coq est au dessus du village et d’autres encore. Autant de portraits singuliers, de liens symboliques ou réellement gustatifs, d’histoires policières, de lettres d’amour ou de poèmes japonais.
Je terminerai sur cette maxime dont je ne sais plus si elle est de Groucho Marx ou de Woody Allen : « L’autre a sa part en moi, à condition qu’elle soit de gâteau et que ça soit lui qui l’apporte ».
Martial Jacquey
Passionné de vins
Le 23 juin 2009